12

 

Ce ne fut que bien plus tard que je me persuadai qu’Alendi était le Héros des Siècles. Le Héros des Siècles : celui qu’on appelait le Rabzeen à Khlennium, l’Anamnesor.

Le sauveur.

 

Description : 030

 

Une forteresse se dressait dans l’obscurité brumeuse du soir.

Elle reposait au creux d’une large dépression. La vallée aux parois abruptes évoquant un cratère était si large que Sazed, même à la lumière du jour, aurait eu le plus grand mal à distinguer l’autre côté. Dans la pénombre croissante, que la brume densifiait encore davantage, l’autre bord de ce trou massif n’était qu’une ombre.

Sazed s’y connaissait très peu en tactique et en stratégie ; bien que ses cerveaux métalliques renferment des dizaines de livres sur le sujet, il en avait oublié le contenu afin de créer ces réserves. Le peu qu’il sache lui apprenait que cette forteresse – le Prieuré de Seran – n’était pas très facile à défendre. Elle était entièrement construite en contrebas, et les flancs du cratère fourniraient sans doute un excellent emplacement pour que des engins de siège bombardent les murs de pierre.

Toutefois, cette forteresse n’avait pas été bâtie pour se défendre contre des soldats ennemis, mais pour fournir une certaine solitude. Le cratère la rendait difficile à trouver, car la légère remontée du sol autour du bord du cratère la masquait jusqu’à ce qu’on s’en approche. Ni routes ni sentiers n’indiquaient le trajet, et les voyageurs auraient bien du mal à descendre ces pentes abruptes.

Les Inquisiteurs ne voulaient pas de visites.

— Alors ? demanda Marsh.

Sazed et lui se tenaient sur le bord nord du cratère, devant une pente de plus de cent mètres. Sazed puisa dans son cerveau d’étain visuel pour en extraire une partie de la vue qu’il y avait emmagasinée. Les limites de son champ de vision se brouillèrent, mais tout ce qui se trouvait juste en face de lui parut beaucoup plus proche. Il puisa un léger supplément de vue, ignorant la nausée qui l’accompagnait.

Sa vue accrue lui permit d’étudier le Prieuré comme s’il se trouvait juste devant. Il distinguait chaque entaille dans les murs de pierre sombre – plats, sombres, imposants. Il discernait chaque parcelle de rouille sur les grandes plaques d’acier fixées aux pierres externes du mur. Il voyait chaque recoin incrusté de lichen, chaque saillie tachée de cendre. Il n’y avait pas de fenêtres.

— Je ne sais pas, répondit lentement Sazed, dégageant son cerveau d’étain visuel. Difficile de dire si la forteresse est ou non habitée. Il n’y a ni mouvement ni lumière. Mais peut-être les Inquisiteurs ne font-ils que s’y cacher.

— Non, répondit Marsh, dont la voix résonna assez fort dans l’air du soir pour le mettre mal à l’aise. Ils sont partis.

— Pourquoi seraient-ils partis ? Cet endroit est précieux, me semble-t-il. Peu à même de se défendre contre une armée, mais d’une grande aide pour se protéger du chaos actuel.

Marsh secoua la tête.

— Ils sont partis.

— Comment en êtes-vous si sûr ?

— Je l’ignore.

— Où sont-ils allés, dans ce cas ?

Marsh le dévisagea, puis se retourna et regarda par-dessus son épaule.

— Au nord.

— En direction de Luthadel ? demanda Sazed, fronçant les sourcils.

— Entre autres, répondit Marsh. Venez. J’ignore s’ils vont revenir, mais nous ferions mieux de profiter de cette occasion.

Sazed acquiesça. C’était après tout la raison de leur venue. Malgré tout, une partie de lui hésitait. C’était un homme de livres et un serviteur distingué. Voyager à travers la campagne pour rendre visite à des villages était déjà assez éloigné de son expérience pour le déconcerter. Alors infiltrer le bastion des Inquisiteurs…

Marsh, de toute évidence, se moquait bien du conflit interne de son compagnon. L’Inquisiteur se retourna et se mit à longer le bord d’un cratère. Sazed jeta son sac par-dessus son épaule, puis le suivit. Ils finirent par atteindre un engin qui ressemblait à une cage, visiblement destiné à être abaissé jusqu’en bas par un système de cordes et de poulies. La cage était fixée en place au niveau de la saillie supérieure et Marsh s’arrêta à côté, mais n’entra pas.

— Qu’y a-t-il ? demanda Sazed.

— Le système de poulies, répondit Marsh. Cette cage est destinée à être abaissée par des hommes qui la tirent d’en bas.

Sazed hocha la tête en comprenant qu’il avait raison. Marsh s’avança et actionna un levier. La cage tomba. Les cordes se mirent à fumer et les poulies grincèrent tandis que la cage massive plongeait en direction du fond du gouffre. Un fracas étouffé résonna contre les rochers.

S’il y a qui que ce soit en bas, songea Sazed, il saura que nous sommes là.

Marsh se tourna vers lui, les têtes de ses tiges d’acier luisant légèrement à la lumière déclinante.

— Suivez-moi comme bon vous semblera, dit-il.

Puis il détacha la corde d’appel et entreprit de descendre les cordes.

Sazed s’avança jusqu’au bord de la plateforme et regarda Marsh progresser le long de la corde qui se balançait pour descendre dans l’abîme sombre et brumeux. Puis Sazed s’agenouilla et ouvrit son sac. Il ôta les grands bracelets de métal entourant ses bras et avant-bras – ses principaux cerveaux de cuivre. Ils contenaient la mémoire d’un Gardien, le savoir emmagasiné lors des siècles passés. Il les posa par terre avec déférence, puis sortit de son sac une paire de bracelets plus petits – l’un de fer, l’autre de potin. Des cerveaux métalliques destinés à un guerrier.

Marsh comprenait-il à quel point Sazed manquait d’entraînement dans ce domaine ? Une force incroyable ne faisait pas un guerrier pour autant. Malgré tout, Sazed referma les deux bracelets autour de ses chevilles. Ensuite, il sortit deux anneaux – d’étain et de cuivre. Il les enfila à ses doigts.

Il referma son sac et le jeta sur son épaule, puis sortit ses cerveaux de cuivre. Il choisit soigneusement une bonne cachette – un creux isolé entre deux rochers – et les glissa à l’intérieur. Quoi qu’il puisse se passer en bas, il ne voulait pas risquer que les Inquisiteurs les prennent et les détruisent.

Afin de remplir de souvenirs un cerveau de cuivre, Sazed avait écouté un autre Gardien réciter l’intégralité de sa collection d’histoires, de faits et d’événements. Il en avait mémorisé chaque phrase, puis avait entreposé ces souvenirs dans le cerveau de cuivre pour les récupérer plus tard. Sazed ne se rappelait presque rien de l’expérience elle-même – mais il était capable d’extraire tous les livres ou les essais qu’il souhaitait et de les replacer ensuite dans le cerveau adéquat, ce qui lui permettait de les retrouver aussi nets que lorsqu’il les avait mémorisés. Il suffisait qu’il porte ses bracelets.

L’absence de ses cerveaux métalliques le rendait nerveux. Il secoua la tête et regagna la plateforme. Marsh descendait très rapidement en direction du sol du gouffre ; comme tous les Inquisiteurs, il possédait des pouvoirs de Fils-des-brumes. Mais la façon dont il avait obtenu ces pouvoirs – et le fait qu’il ait survécu malgré les tiges qu’on lui avait enfoncées dans le cerveau – restait un mystère. Marsh n’avait jamais répondu aux questions de Sazed sur le sujet.

Sazed l’appela pour attirer son attention, puis éleva son sac et le laissa tomber. Marsh tendit la main et le sac y bondit, attiré dans sa paume par les métaux qu’il contenait. L’Inquisiteur le jeta sur son épaule avant de poursuivre sa descente.

Sazed le salua d’un signe de tête reconnaissant, puis descendit de la plateforme. Tandis qu’il commençait à tomber, il puisa mentalement dans son cerveau de fer, à la recherche du pouvoir qu’il y avait entreposé. Remplir un cerveau métallique avait toujours un coût : pour emmagasiner de la vue, Sazed avait été contraint de passer plusieurs mois avec une vision affaiblie. Pendant ce temps, il portait un bracelet d’étain, emmagasinant un excédent de vue pour s’en servir plus tard.

Le fer était un peu différent des autres métaux. Il ne permettait pas d’emmagasiner la vue, la force, l’endurance – ni même les souvenirs. Il contenait quelque chose de totalement distinct : le poids.

Ce jour-là, Sazed ne puisa pas dans son cerveau de fer, ce qui l’aurait rendu plus lourd. Il se mit au contraire à le remplir pour le laisser aspirer son poids. Il éprouva une impression familière de légèreté – comme si son corps exerçait une pression moindre sur lui-même.

Sa chute ralentit. Les philosophes terrisiens avaient beaucoup à dire sur l’emploi des cerveaux de fer. Ils expliquaient que ce pouvoir ne modifiait pas réellement la masse ou la taille de quelqu’un – simplement la façon dont le sol l’attirait. La chute de Sazed n’avait pas ralenti à cause de sa diminution de poids, mais parce qu’il possédait soudain une surface relativement large exposée au souffle suscité par sa chute, ainsi qu’un corps plus léger.

Indifférent aux explications scientifiques, Sazed tombait moins vite. Les minces bracelets métalliques entourant ses jambes étaient les objets les plus lourds qu’il portait sur son corps, et ils l’empêchaient de basculer tête en bas. Il tendait les bras et repliait légèrement le corps, laissant le vent exercer une pression contre lui. Sa descente n’était pas d’une extrême lenteur – pas comme celle d’une feuille ou d’une plume. Mais il ne plongeait pas non plus telle une pierre. Il tombait au contraire à une allure maîtrisée – presque tranquille. Bras tendus, dans un claquement de vêtements, il dépassa Marsh qui l’observait avec une expression curieuse.

Tandis qu’il approchait du sol, Sazed puisa dans son cerveau de potin et en extirpa une minuscule parcelle de force qu’il tint prête. Il heurta le sol – mais, compte tenu de la légèreté de son corps, l’impact fut très limité. Il n’eut presque pas besoin de plier les genoux pour absorber la force de l’impact.

Il cessa de remplir le cerveau de fer, dégagea son potin et attendit Marsh en silence. Près de lui, la cage de transport était en morceaux. Sazed remarqua plusieurs chaînes de fer brisées avec un certain malaise. Apparemment, des visiteurs du Prieuré n’étaient pas venus là de leur plein gré.

Lorsque Marsh atteignit le fond à son tour, une brume épaisse flottait dans l’air. Sazed avait vécu avec elle toute sa vie, et ne s’y était encore jamais senti mal à l’aise. Pourtant, il s’attendait presque cette fois-ci à ce qu’elle se mette à l’étouffer. À le tuer, comme elle paraissait l’avoir fait pour le vieux Jed, le malheureux fermier sur la mort duquel Sazed avait enquêté.

Marsh se laissa tomber sur les trois derniers mètres et atterrit avec une agilité accrue d’allomancien. Même après tout le temps qu’il avait passé auprès de Fils-des-brumes, Sazed restait impressionné par les dons allomantiques. Bien entendu, il n’en avait jamais été jaloux – pas vraiment. Si l’allomancie se révélait plus utile en matière de combat, elle ne pouvait en revanche ni développer l’esprit ni donner accès aux rêves, espoirs et croyances de mille années de culture. Ni accorder les connaissances nécessaires pour soigner une blessure, ou enseigner à un village pauvre les techniques modernes de fertilisation. Si les cerveaux métalliques ferrochimiques n’étaient guère spectaculaires, ils possédaient une valeur bien plus durable pour la société.

Par ailleurs, Sazed connaissait quelques astuces de ferrochimie capables de surprendre même les mieux préparés des guerriers.

Marsh lui tendit le sac.

— Venez.

Sazed hocha la tête, hissa le sac sur son épaule et suivit l’Inquisiteur sur ce terrain rocheux. Marcher à ses côtés était une expérience curieuse, car Sazed n’avait pas l’habitude de côtoyer des gens aussi grands que lui. Les Terrisiens étaient grands de nature, et Sazed encore davantage : ses bras et ses jambes étaient un peu trop longs pour son corps, particularité médicale liée au fait qu’on l’avait castré dès son plus jeune âge. Malgré la mort du Seigneur Maître, la culture terrisienne ressentirait longtemps les effets de son programme d’intendance et de reproduction – les méthodes par lesquelles il avait tenté de faire disparaître les pouvoirs ferrochimiques parmi les Terrisiens.

Le Prieuré de Seran se dressait au loin, l’air encore plus menaçant à présent que Sazed se tenait à l’intérieur du cratère. Marsh se dirigea droit vers les portes d’entrée, et Sazed le suivit. Il n’avait pas peur, pas vraiment. La peur n’avait jamais été un puissant moteur dans la vie de Sazed. Cependant, il s’inquiétait bel et bien. Il restait si peu de Gardiens ; s’il mourait, c’était une personne de moins capable de voyager, de restaurer des vérités perdues et d’enseigner aux gens.

Non que je sois en train de faire ces choses-là actuellement…

Marsh étudia les massives portes d’acier. Puis il projeta tout son poids contre l’une d’entre elles, brûlant manifestement du potin pour accroître sa force. Sazed se joignit à lui, poussant de toutes ses forces. La porte ne bougea pas.

Regrettant d’avoir ainsi gaspillé son pouvoir, Sazed puisa de la force dans son cerveau de potin. Il en utilisa beaucoup plus que lors de son atterrissage, et ses muscles gagnèrent aussitôt en taille. Contrairement à l’allomancie, la ferrochimie exerçait souvent des effets directs sur le corps de quelqu’un. Sous sa robe, Sazed acquit la masse et la carrure d’un guerrier de carrière, pour devenir au moins deux fois plus fort que l’instant d’avant. Grâce à leurs efforts combinés, ils parvinrent à ouvrir la porte.

Elle ne grinça pas. Elle glissa lentement mais sûrement vers l’intérieur, dévoilant un long couloir obscur.

Sazed dégagea son cerveau de potin pour revenir à son état normal. Marsh entra dans le Prieuré, soulevant à chaque pas la brume qui avait commencé à s’engouffrer par la porte ouverte.

— Marsh ? appela Sazed.

L’Inquisiteur se retourna.

— Je ne vais pas réussir à y voir, là-dedans.

— Votre ferrochimie…

Sazed secoua la tête.

— Elle peut me permettre de mieux y voir dans le noir, mais seulement s’il y a de la lumière au départ. Par ailleurs, puiser une telle quantité de vue épuiserait mon cerveau d’étain en quelques minutes. Il va me falloir une lanterne.

Marsh hésita, puis hocha la tête. Il se tourna vers les ténèbres et disparut bientôt de la vue de Sazed.

Donc, se dit Sazed, les Inquisiteurs n’ont pas besoin de lumière pour y voir. Il s’y était attendu : les tiges remplissaient entièrement les orbites de Marsh, détruisant totalement les globes oculaires. Quel que soit l’étrange pouvoir qui permettait aux Inquisiteurs d’y voir, il fonctionnait apparemment tout aussi bien dans les ténèbres absolues qu’à la lumière du jour.

Marsh revint quelques instants plus tard, muni d’une lampe. À en juger par les chaînes que Sazed avait vues sur la cage d’ascenseur, les Inquisiteurs devaient conserver un groupe assez conséquent d’esclaves et de serviteurs pour les servir. Dans ce cas, où étaient passés tous ces gens ? Avaient-ils pris la fuite ?

Sazed alluma la lampe grâce à un briquet tiré de son sac. La lueur spectrale de la lampe éclaira un couloir sombre et intimidant. Il pénétra dans le Prieuré, élevant bien haut la lampe, et se mit à remplir le petit anneau de cuivre qu’il portait au doigt, le transformant ainsi en cerveau de cuivre.

— De grandes salles, murmura-t-il, sans ornements.

Il n’avait pas réellement besoin de prononcer ces mots, mais il s’était aperçu que la parole l’aidait à former des souvenirs distincts. Il pouvait ensuite les placer dans son cerveau de cuivre.

— Visiblement, les Inquisiteurs aimaient beaucoup l’acier, poursuivit-il. Ce qui n’a rien d’étonnant, sachant que leur religion était souvent désignée comme le Ministère d’Acier. Les murs sont ornés de plaques d’acier massives qui ne comportent aucune trace de rouille, contrairement à celles de l’extérieur. Beaucoup de celles qui sont présentes ici ne sont pas entièrement lisses, mais ornées de motifs intéressants gravés dans leur surface.

Marsh fronça les sourcils et se tourna vers lui.

— Qu’est-ce que vous faites ?

Sazed leva la main droite pour lui montrer l’anneau de cuivre.

— Il faut que je fasse un compte-rendu de cette visite. J’aurai besoin de répéter l’expérience aux autres Gardiens quand l’occasion se présentera. Nous avons beaucoup à apprendre de cet endroit, je crois.

Marsh se détourna.

— Vous ne devriez pas vous intéresser aux Inquisiteurs. Ils ne méritent pas de figurer dans vos archives.

— Ce n’est pas une question de mérite, Marsh, objecta Sazed en élevant sa lampe pour inspecter une colonne carrée. La connaissance de toutes les religions a de la valeur. Je dois m’assurer que ces choses-là persistent.

Sazed étudia un moment la colonne, puis ferma les yeux et en forma une image mentale qu’il ajouta ensuite au cerveau de cuivre. Toutefois, les souvenirs visuels étaient moins utiles que les paroles. Les visualisations s’effaçaient très vite une fois extraites d’un cerveau métallique et souffraient de la distorsion mentale. Sans compter qu’elles ne pouvaient être transmises aux autres Gardiens.

Marsh ne répondit pas au commentaire de Sazed sur la religion ; il se contenta de se retourner pour s’enfoncer dans le bâtiment. C’était une expérience intéressante. Dès que Sazed parlait, il sentait les pensées aspirées de son esprit, laissant derrière elle un vide. Il peinait à se rappeler précisément ce qu’il venait de dire. Mais lorsqu’il aurait terminé de remplir son cerveau métallique, il serait en mesure de puiser dans ces souvenirs pour les revoir avec une extrême clarté.

— La pièce est haute, reprit-il. Elle comporte quelques colonnes, également enveloppées d’acier. Elles sont massives et carrées, plutôt que rondes. J’ai le sentiment que cet endroit a été créé par un peuple qui se souciait peu de subtilité. Ils ignoraient les petits détails en faveur des lignes larges et des formes pleines.

» Tandis que nous dépassons l’entrée principale, ce thème architectural se poursuit. Il n’y a ni tableaux aux murs ni ornements de bois ou sols carrelés. Simplement des couloirs longs et larges, aux lignes dures et aux surfaces réfléchissantes. Le sol est constitué de carrés d’acier, mesurant chacun un mètre sur un mètre. Ils sont… froids au toucher.

» Il est étrange de ne pas voir les tapisseries, vitraux et pierres sculptées si répandus dans l’architecture de Luthadel. Il n’y a ici ni flèches ni voûtes. Rien que des rectangles et des carrés. Des lignes… à perte de vue. Rien ici n’est doux. Ni tapis ni fenêtres. C’est un endroit destiné à des hommes qui voient le monde différemment des gens ordinaires.

» Marsh a remonté tout droit ce couloir massif, comme s’il n’avait pas conscience du décor. Je vais le rejoindre, puis revenir plus tard reprendre mon compte-rendu. Il paraît suivre quelque chose… que je ne perçois pas. Peut-être s’agit-il de…

Sazed laissa sa phrase en suspens alors qu’il tournait à un coin et vit Marsh à l’entrée d’une très grande pièce. La lueur de la lampe se mit à vaciller au rythme des tremblements du bras de Sazed.

Marsh avait trouvé les serviteurs.

Ils étaient morts depuis assez longtemps pour que Sazed n’ait pas remarqué l’odeur avant d’approcher. Peut-être était-ce là ce qu’avait suivi Marsh ; les sens d’un homme qui brûlait de l’étain pouvaient se révéler extrêmement affinés.

Les Inquisiteurs s’étaient montrés très méthodiques. C’étaient là les vestiges d’un massacre. La pièce était grande mais ne possédait qu’une seule sortie, et les corps s’entassaient en hautes piles près du fond, apparemment tués par des coups sauvages de hache ou d’épée. Les serviteurs s’étaient recroquevillés contre le mur du fond dans leur agonie.

Sazed se détourna. Mais Marsh demeura sur le pas de la porte.

— Il y a quelque chose de sinistre ici, dit-il enfin.

— Et c’est maintenant que vous le remarquez ? demanda Sazed.

Marsh se retourna vers lui, soutenant fermement son regard.

— Nous ferions mieux de ne pas trop nous attarder. Il y a un escalier au bout du couloir situé derrière nous. Je vais monter – les quartiers des Inquisiteurs doivent se situer là. Si les informations que je cherche sont ici, c’est là que je les trouverai. Vous pouvez rester, ou bien descendre. Cependant, ne me suivez pas.

Sazed fronça les sourcils.

— Pourquoi ?

— Il faut que je sois seul ici. Je ne peux l’expliquer. Ce n’est pas que je me soucie que vous soyez témoin des atrocités commises par des Inquisiteurs. Simplement… je ne souhaite pas me trouver avec vous à ce moment-là.

Sazed baissa sa lampe pour détourner la lumière de cette scène effroyable.

— Très bien.

Marsh se retourna, dépassa Sazed et disparut dans le couloir obscur. Sazed se retrouva seul.

Il s’efforça de ne pas trop penser à tout ça. Il regagna le couloir principal, décrivant le massacre pour son cerveau de cuivre avant de donner une explication plus détaillée concernant l’art et l’architecture – si l’on pouvait toutefois qualifier ainsi les différents schémas des plaques murales.

Tandis qu’il s’affairait – sa voix résonnant doucement contre l’architecture sévère, la lumière de sa lampe se reflétant dans l’acier telle une faible goutte lumineuse –, ses yeux étaient attirés vers le fond du couloir. Il y avait là-bas un puits de ténèbres. Un escalier descendant.

Alors même qu’il reprenait sa description de l’une des plaques d’acier, il sut qu’il finirait par se diriger vers ces ténèbres. Ces choses-là l’emportaient toujours : la curiosité, le besoin de comprendre l’inconnu. Elles l’avaient guidé en tant que Gardien, l’avaient conduit à devenir le compagnon de Kelsier. Sa quête de vérité ne pourrait jamais être pleinement exaucée, mais il ne pouvait pas davantage l’ignorer. Il finit donc par se retourner pour approcher de l’escalier, avec ses propres murmures pour seule compagnie.

— L’escalier est similaire à ce que j’ai vu dans le couloir. Il est large et ample, comme les marches qui mènent à un temple ou un palais. À la différence près que celles-ci descendent vers les ténèbres. Elles sont larges, sans doute taillées dans la pierre puis revêtues d’acier. Elles sont hautes, conçues pour une démarche résolue.

» Tandis que j’avance, je me demande quels secrets l’Inquisition a jugé dignes d’être cachés sous terre, dans le sous-sol de leur bastion. Ce bâtiment tout entier est un secret. Qu’ont-ils fait ici, dans ces couloirs immenses et ces pièces ouvertes et vides ?

» L’escalier débouche sur une autre grande pièce carrée. Quelque chose m’a frappé : il n’y a ici ni portes ni fenêtres. Chaque salle est ouverte, visible depuis l’extérieur. À mesure que j’avance en jetant des coups d’œil à ces pièces souterraines, je découvre d’énormes salles très peu meublées. Ni bibliothèques ni salons. Plusieurs contiennent de grands blocs de métal qui pourraient être des autels.

» Il y a… quelque chose de différent dans cette dernière pièce, au fond de l’étage principal. Je ne sais trop qu’en penser. Une salle de torture peut-être ? Je vois des tables – des tables métalliques – fixées au sol. Elles sont couvertes de sang, bien qu’il n’y ait pas de cadavres. Du sang coagulé ainsi qu’en poudre à mes pieds – bien des gens sont morts dans cette pièce, je crois. Il ne semble pas y avoir d’instruments de torture à l’exception de…

» De tiges. Comme celles qui transpercent les yeux des Inquisiteurs. Lourdes et massives – du genre de celles qu’on enfonce dans le sol à l’aide d’un très gros maillet. Certaines ont la pointe couverte de sang, mais je crois que je vais éviter de manipuler celles-là. Quant aux autres… oui, elles sont tout à fait identiques à celles que Marsh a dans les yeux. Pourtant, certaines sont faites d’un autre matériau.

Sazed posa la tige sur une table, laquelle résonna au contact du métal. Il frissonna et balaya de nouveau la pièce du regard. Un endroit où créer de nouveaux Inquisiteurs, peut-être ? Il eut une soudaine vision horrifique dans laquelle ces créatures – qui n’étaient autrefois que quelques dizaines – avaient grossi leurs rangs lors des mois de captivité au Prieuré.

Mais ça semblait illogique. C’étaient des individus exclusifs et secrets. Où auraient-ils trouvé assez d’hommes méritant de rejoindre leurs rangs ? Pourquoi ne pas transformer en Inquisiteurs les serviteurs qu’il avait trouvés à l’étage, au lieu de les tuer ?

Sazed avait toujours supposé qu’un homme devait être allomancien pour qu’on le transforme en Inquisiteur. L’expérience de Marsh appuyait cette hypothèse : avant sa transformation, c’était un Traqueur, capable de brûler du bronze. Sazed regarda de nouveau le sang, les tiges et les tables et décida qu’il n’était pas très sûr de vouloir savoir comment l’on créait un nouvel Inquisiteur.

Il s’apprêtait à quitter la pièce lorsque sa lampe lui dévoila quelque chose au fond. Une autre porte.

Il s’avança, s’efforçant d’ignorer le sang séché à ses pieds, et pénétra dans une pièce qui ne semblait pas assortie au reste de l’architecture intimidante du Prieuré. Elle était taillée à même la pierre et se terminait à une extrémité en un minuscule escalier. Curieux, Sazed descendit les marches de pierre usée. Pour la première fois depuis son entrée dans le bâtiment, il se sentit à l’étroit et dut se pencher lorsqu’il atteignit le bas de l’escalier et entra dans une petite pièce. Il se redressa bien droit et leva sa lampe pour découvrir…

Un mur. La pièce se terminait brusquement et sa lumière se reflétait sur la surface de ce mur. Il comportait une plaque d’acier, comme ceux de l’étage. Celle-ci mesurait un bon mètre cinquante de large et presque autant de haut. Et des inscriptions y figuraient. Soudain intéressé, Sazed posa son sac et s’avança, élevant sa lampe pour lire les premiers mots.

Le texte était rédigé en terrisien.

C’était un vieux dialecte, mais Sazed parvint à le déchiffrer même sans recourir à son cerveau de cuivre linguistique. Ses mains tremblaient tandis qu’il lisait.

 

J’écris ces mots dans l’acier, car l’on ne peut se fier à ce qui n’est gravé dans le métal.

Je commence à me demander si je suis le dernier homme sain d’esprit. Comment les autres ne comprennent-ils pas ? Ils attendent depuis si longtemps la venue de leur héros – celui dont parlent les prophéties terrisiennes – qu’ils s’empressent de tirer des conclusions hâtives en supposant que chaque histoire, chaque légende, s’applique à cet homme-ci.

Mes frères ignorent les autres faits. Ils ne peuvent établir de liens entre les singularités qui se produisent. Ils restent sourds à mes objections, aveugles à mes découvertes.

Peut-être ont-ils raison. Peut-être suis-je fou, ou jaloux, ou simplement idiot. Je m’appelle Kwaan. Philosophe, érudit et traître. C’est moi qui découvris Alendi, et je fus le premier à le proclamer Héros des Siècles. Je suis celui par qui tout commença.

Et celui qui le trahis, car je sais désormais qu’il ne faut à aucun prix le laisser accomplir sa quête.

 

— Sazed.

Il sursauta et faillit lâcher la lampe. Marsh se tenait derrière lui sur le pas de la porte. Impérieux, obscur et dérangeant. Il était à l’image de cet endroit, avec ses lignes et sa dureté.

— Les quartiers sont vides à l’étage, déclara Marsh. Cette expédition n’a servi à rien – mes frères ont emporté tout ce qui avait une quelconque utilité.

— Pas à rien, Marsh, répondit Sazed en se retournant vers la plaque aux inscriptions.

Il n’avait pas tout lu ; il en était même loin. Le texte était rédigé d’une écriture serrée en pattes de mouche et couvrait entièrement le mur. L’acier avait préservé les mots malgré leur âge évident. Le cœur de Sazed se mit à battre un peu plus vite.

C’était un fragment d’un texte datant d’avant le règne du Seigneur Maître. Un fragment rédigé par un philosophe terrisien – un saint homme. Malgré dix siècles de recherches, les Gardiens n’étaient jamais parvenus à accomplir le but pour lequel on les avait initialement créés : ils n’avaient jamais découvert leur propre religion terrisienne.

Le Seigneur Maître avait anéanti les enseignements de la religion terrisienne peu après son accession au pouvoir. Sa persécution du peuple terrisien – son propre peuple – avait été la plus minutieuse de son règne prolongé, et les Gardiens n’avaient jamais découvert davantage que de vagues fragments concernant les anciennes croyances de leur peuple.

— Il faut que je copie ceci, Marsh, dit-il en s’emparant de son sac.

Enregistrer un souvenir visuel ne suffirait pas : personne ne pouvait fixer un mur contenant une telle quantité de texte et se rappeler ensuite ces mots. Peut-être pouvait-il les inscrire dans son cerveau de cuivre. Mais il en voulait un enregistrement physique, qui préserverait parfaitement la structure des lignes et de la ponctuation.

Marsh secoua la tête.

— Nous ne devons pas rester ici. Je crois que nous n’aurions même pas dû venir.

Sazed s’arrêta et leva les yeux. Puis il tira de son sac plusieurs grandes feuilles de papier.

— Très bien, dans ce cas, dit-il. Je vais en faire un décalque. Ce sera de toute manière une meilleure solution, je crois. Ça me permettra de voir le texte exactement comme il a été écrit.

Marsh hocha la tête et Sazed sortit un morceau de charbon.

Cette découverte…, songea-t-il, surexcité. Ce sera comme le journal de Rashek. Nous approchons du but !

Toutefois, alors même qu’il commençait le décalque – à gestes précis et soigneux –, une autre idée le traversa. Avec un tel texte en sa possession, son sens du devoir ne lui permettrait plus d’errer de village en village. Il faudrait qu’il retourne au nord partager sa découverte, de crainte que le texte soit perdu s’il mourait. Il devait se rendre à Terris.

Ou bien… à Luthadel. De là, il pourrait envoyer des messages vers le nord. Il avait une bonne excuse pour regagner le cœur de l’action, pour revoir les autres membres de la bande.

Alors pourquoi se sentait-il à ce point coupable ?

Le puits de l'ascension
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